Saint Païssij Velitchkovskij

Starets moldave (+ 1794)

Les Églises orthodoxes rappellent aujourd'hui le souvenir du starets Païssij Velitchkovskij, maître de générations entières de moines.
Païssij Velitchkovskij ou Païssy Velitchkowsky (1722-1794) devient moine tout jeune, en Ukraine. Son autobiographie recouvre les 20 premières années de sa vie, jusqu'à son départ pour le mont Athos où il découvrira les œuvres des Pères grecs et de Nil Sorskij. Sous les évènements quotidiens, on devine l'humus d'un idéal monastique.
Païssij reste un personnage incontournable pour qui veut comprendre l'évolution du christianisme en Ukraine, Roumanie et Russie, au XVIIIe siècle et jusqu'à nos jours.
D'une famille nombreuse dont le père était prêtre, il grandit à Poltava en Ukraine. Envoyé à l'école ecclésiastique de Kiev, il fut déçu de l'enseignement qui y était donné, trop proche de la scolastique latine et loin de l'enseignement des Pères grecs et orientaux. Alors il se retira dans la solitude d'un petit monastère, un skite de Roumanie avec d'autres moines chassés à l'époque par Pierre le Grand. Il aurait aimé vivre définitivement au Mont-Athos, mais l'occupation turque rendait la situation difficile. Il se fit moine en redonnant vie au monastère de Simonos Petras. Lassé par les tracasseries turques, il quitta l'Athos avec quelques moines et retourna en Roumanie à Dragormina. Avec ses frères, il expérimenta "la prière intérieure" tout en traduisant avec une grande rigueur critique de nombreux Pères: Hésychius, Théodore Studite, Isaac le Syrien, etc... aidé d'ailleurs par de nombreux collaborateurs. La guerre russo-turque lui fit quitter Dragormina et il ouvrit plusieurs monastères accueillant bientôt plus de mille moines venus de la Russie et des Balkans. Ses traductions et son rayonnement de sainteté furent à l'origine d'un vaste mouvement de restauration de la vie spirituelle russe.
Il est également honoré le 15 novembre, date de sa naissance au ciel en 1794.
A lire: Serge Tchetverikof, Le Starets moldave Païssij Velitchkovskij (1722-1794). Sa vie, son enseignement et son influence sur le monachisme orthodoxe, Traduit du russe par François de Damas, Abbaye de Bellefontaine, "Spiritualité orientale, 68", 1997.
Biographie complète du starets (1722-1794). Le Père Tchetverikov présente non seulement la vie de Païssij, mais aussi le milieu où il vécut, tant en Ukraine qu'en Roumanie et au Mont Athos.
Editions de Bellefontaine
Comme celui d'Occident, le monachisme d'Orient connaît deux formes principales: anachorétique et cénobitique.
Mais la solitude complète et la vie communautaire y sont moins distinguées que dans la tradition occidentale: le même moine peut, successivement, vivre en ermite et au monastère. Les grands moines vénérés par l'Église orthodoxe ont presque toujours connu ces deux états, ainsi que la forme intermédiaire des "skites", cellules proches les unes des autres et permettant à des ermites de partager une certaine fraternité. C'est le cas de Païssij Velitchkovskij, dont l'itinéraire traverse tous les grands lieux et unit tous les aspects du monachisme byzantin. Né en Ukraine, il étudie à l'Académie de Kiev où il reçoit très tôt l'appel à devenir moine. Pendant près de dix ans, il ira de monastère en monastère, avant d'émigrer au mont Athos où il demeurera quatre ans dans la solitude. Ordonné prêtre, il voit venir à lui des disciples et fonde une première communauté. Mais des difficultés de tous ordres amènent le groupe à quitter la Sainte Montagne pour la Moldovalachie, à l'est de l'actuelle Roumanie. Païssij y vivra plus de trente ans, fondant plusieurs monastères, dispensant un enseignement abondant sur la vie spirituelle, traduisant les œuvres des Pères grecs en slavon, organisant la vie liturgique et communautaire, ainsi que des services d'assistance et de charité. Païssij impulsait ainsi un renouveau qui, de l'Athos à la Russie, s'observe tout au long du XIXe siècle.
Cette vie donnée reste cependant marquée par les raideurs et les limites de son époque. On sera peut-être surpris de l'intransigeance ecclésiale de ce grand spirituel pour qui, par exemple, le fait de se signer avec deux doigts (et non trois) est une trahison impardonnable, valant malédiction et anathème (p. 288) ! Vieux croyants, Uniates, catholiques romains sont rejetés en bloc au nom de la sainte orthodoxie: on peut penser que ce souci de fidélité à la tradition eût pu prendre des formes plus bienveillantes. Mais par ailleurs, Païssij donne d'admirables conseils de vie spirituelle et d'humilité; le chapitre sur la prière du cœur (p. 171-221) en est un bon exemple.
Le P. Tchetverikov, prêtre russe émigré en 1919 à Paris, a rédigé cette biographie à l'aide de documents anciens. Publiée en 1938 en russe, elle est ici traduite pour la première fois. Elle a parfaitement sa place dans la belle collection "Spiritualité orientale" des Éditions de Bellefontaine.
Daniel Vigne (Institut catholique de Toulouse).

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